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L'hebdomadaire du Grand Nord canadien - Édition du vendredi 31
janvier 2003
Extradition de Lothar Ebke
Vers la Cour suprême
par Simon Bérubé
Simon Bérubé L'avocat de Lothar Ebke, John Norris, est confiant
que la plus haute instance juridique au pays acceptera d'entendre
la cause de l'homme d'affaires de Yellowknife. " Le dossier soulève
de très nombreuses questions sur la nouvelle Loi sur l'extradition
et ça peut avoir des implications profondes sur plusieurs autres
cas. Je crois, et j'espère, que la Cour suprême voudra répondre
à ces questions », de mentionner le procureur.
Rappelons qu'en avril 2000, l'Allemagne a demandé l'extradition
de Lothar Ebke en relation à des allégations selon lesquelles il
aurait fait partie des Cellules révolutionnaires" entre 1985
et 1993 et qu'il aurait pris part à un attentat à la bombe en 1987
et d'une tentative d'attentat en 1991.
La demande de l'Allemagne est basée sur le témoignage non corroboré
de Tarek Mousli, arrêté en 1999 pour possession d'explosifs. Ce
dernier est entré sous le régime allemand de protection des témoins
en échange de témoignages contre d'autres personnes et de sa collaboration
avec la police et la couronne allemande. Sous la protection des
témoins, il avait droit à un revenu mensuel, à un versement substantiel
en argent et à une peine réduite. Après avoir d'abord nié le fait
que M. Ebke était impliqué dans le groupe révolutionnaire, M. Mousli
a plus tard déclaré, le 30 décembre 1999, que Lothar Ebke avait
finalement des liens avec le groupe. Le lendemain, le Parlement
allemand abolissait le programme de protection des témoins.
Selon M. Norris, la crédibilité d'un témoin n'est pas mise en
cause lors d'une demande d'extradition dans un pays étranger. " C'est
pourquoi nous disons que la nouvelle Loi sur l'extradition n'est
pas constitutionnelle ", dit-il. M. Norris a fait valoir ses arguments
devant la Cour d'appel des T.N.-O. les 21 et 22 janvier derniers.
" Sous la nouvelle loi adoptée en 1999, les preuves de l'état étranger
peuvent être prises en considération par le juge d'extradition,
même si elles ne seraient pas admissibles devant une Cour canadienne.
Nous disons donc que ça retire la protection essentielle requise
en cas d'extradition, à un point où ça va à l'encontre de la Charte
canadienne des droits et libertés ", d'expliquer le procureur.
L'avocat s'est aussi beaucoup attardé, lors de l'audience en Cour
d'appel, sur le concept de la " double criminalité " requise lors
d'une demande d'extradition par un pays étranger. Selon ce critère,
l'offense relatée dans la demande d'extradition doit être un crime
punissable au Canada, comme dans le pays demandeur.
Or, selon John Norris, l'allégation " d'appartenance à un groupe
terroriste " n'était pas un crime au Canada au début des années
1990, alors que les événements se seraient produits en Allemagne.
" Nous n'avions pas de crime du genre, ici, à ce moment. C'est
en 1997 que l'on a ajouté la " participation aux activités
d'une organisation criminelle ", qui est souvent appelée la
Loi anti-gang. L'une des règles du code pénal est que l'on ne peut
revenir en arrière et dire que maintenant que nous avons créé cette
loi, une personne en était coupable il y a cinq ans ", d'expliquer
l'avocat.
Depuis la décision de la Cour d'appel de rejeter la requête de
M. Ebke, ce dernier est retenu au Centre correctionnel de Yellowknife.
Le demande officielle pour une audience en Cour suprême doit être
déposée le 27 janvier. Ensuite, M. Ebke sera admissible pour une
audience en vue d'une libération sous caution.
Si la Cour suprême du Canada décidait de ne pas entendre la cause
de Lothar Ebke, ce dernier serait envoyé en Allemagne, où il est
considéré comme suspect dans cette affaire. Dans le cas contraire,
" les juges peuvent dire que nous gagnons sur toute la ligne,
que nous ne gagnons que sur quelques éléments ou que nous perdons
sur toute la ligne ", d'expliquer M. Norris, qui avait aussi
demandé à ce que le ministre de la Justice mette quelques conditions
à l'extradition de M. Ebke, comme l'assurance que son procès en
sol allemand ne soit pas retardé et qu'il ait la chance d'y obtenir
une liberté sous caution. " Le ministre a fait savoir qu'il
ne ferait même pas cette demande, ce qui nous préoccupe beaucoup,
ce point faisait partie de notre demande en appel ", d'ajouter
John Norris.
Il ajoute que les co-accusés de M. Ebke ont été détenus pendant
plusieurs années, alors que leur procès traînait en longueur. " De
plus, ils étaient détenus dans des prisons spéciales où les privilèges
étaient très limités, contrairement à d'autres détenus en attente
de procès ", de conclure le procureur.
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