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La réactivation des croisements de fichiers en Allemagne
après le 11 septembre
Dans les années 70, le directeur du BKA, Horst Herold,
mit en place la Rasterfahndung : il s'agissait d'un contrôle
massif de police effectué par ordinateur et qui devait à
l'époque permettre de localiser et d'arrêter les membres
de la RAF. Pour ce faire, les enquêteurs commencèrent
par établir leur profil et ainsi les critères de recherche
qu'ils estimaient significatifs : on partit notamment du principe
qu'ils/elles vivaient dans des immeubles anonymes, avec garage souterrain,
et payaient leurs loyers ainsi que les notes d'électricité
en liquide. Ils avaient ensuite la possibilité de consulter
et de croiser entre eux les fichiers non seulement d'administrations
publiques comme le bureau d'inscription de la population (Einwohnermeldeamt)
ou bien encore les allocations familiales ou les caisses d'assurances
maladie, mais aussi de compagnies privées, de gaz, d'électricité,
d'eau, de ramassage d'ordures ainsi que de banques, d'agences immobilières
ou de voyages. Au fur et à mesure, on passait au crible la
vie des personnes dont les "caractéristiques" coïncidaient
avec les profils pré-établis des coupables présuméEs
et on éliminait ainsi d'éventuelLEs suspectEs. Le
pouvoir a souvent argué du fait que cette méthode
aurait permis la localisation du prétendu membre de la RAF
Rolf Heissler pour justifier son emploi, mais il est aussi important
de souligner que les informations trouvées au hasard de ces
contrôles massifs et concernant d'autres personnes peuvent
être utilisées comme preuves dans le cadre de toutes
autres procédures (y'a pas de petits profits !).
Dans les années 80 eurent lieu de nombreuses luttes (dont
juridiques) contre ces procédés et cette méthode
ne fut utilisée que rarement, mais elle fit son retour en
force au début des années 90 avec la lutte contre
la soi-disante "criminalité organisée".
C'est ainsi que, depuis 1992, on la trouve dans le code de procédure
pénale sous la dénomination de paragraphe 98a.
Bien entendu, après les attentats du 11 septembre, les
autorités allemandes ne sont pas restées en reste
et ont profité de la situation de risques "de violences
qui pourraient être commises en RFA par des cercles islamistes
extrémistes" et "d'attentats terroristes de la
part d'individus ou de petits groupes fanatisés" pour
lancer une vaste opération de contrôle sur l'ensemble
du territoire. Les procédures ne sont pas exactement les
mêmes selon les Länder, et bien sûr les critères
ont été redéfinis. Ainsi à Berlin est-on
à la recherche de jeunes hommes musulmans d'origine arabe,
étudiant des matières techniques, financièrement
indépendants, maîtrisant plusieurs langues, ayant fait
de nombreuses demandes de visas et, si possible, ayant suivi une
formation de pilote d'avions. Enfin, en bons "Schläfer"
[agents intégrés à la population succeptibles
d'être activités à tout moment, littéralement
des dormeurs] qui se respectent, ils sont sensés avoir la
vie la plus tranquille possible. On a donc demandé leurs
données aux facs, aux écoles supérieures, aux
écoles de pilotage, mais aussi aux entreprises en relation
avec le nucléaire, les produits chimiques, biologiques ou
radiologiques. Il y a eu des protestations, notamment de la part
d'associations étudiantes, mais apparemment pas de refus
massif de coopérer avec les flics, et d'ores et déjà,
même si il y a pour l'instant peu de détails, on sait
que des personnes ont été longuement interrogées
et mises en détention suite à ces tris.
Et voilà, ça continue ! ...
Note : On trouvera plus de détails sur les autres mesures
prises en allemagne après le 11 septembre dans la Rote
Hilfe 4/2001, pp. 6-23
Extrait de Cette Semaine #84, fév/mars 2002, p.37
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